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24 janvier 2008 |
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L’OTAN reçoit un
« manifeste pour une frappe nucléaire préemptive » |
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Par Ian Traynor, The Guardian, 22
janvier 2008
L’occident doit être prêt à recourir
à une frappe nucléaire préemptive pour tenter de mettre un terme à la menace
« imminente » de prolifération nucléaire et des armes de destructions
massives. Tel est le message radical contenu dans un « manifeste pour un
nouvel OTAN » [1], rédigé par cinq anciens militaires et
stratèges de haut rang qui préconisent une réforme complète de l’Alliance,
ainsi qu’un nouveau pacte rassemblant les USA, l’OTAN et l’Union Européenne et
définissant une « grande stratégie » face aux défis posés par un
monde de plus en plus confronté à la violence. Les signataires, qui sont
d’anciens responsables des forces armées américaines, britanniques, allemandes,
hollandaises et françaises, affirment que l’option d’une « première
frappe » nucléaire doit être considérée comme un « indispensable
instrument, » dans la mesure où n’existe « tout simplement aucune perspective
réaliste pour un monde dénucléarisé. »
La rédaction de ce manifeste est
intervenue après des discussions avec des responsables militaires d’active et
des responsables politiques, qui pour la plupart ne peuvent ou ne veulent faire
part publiquement de leurs conceptions. Il a été transmis ces dix derniers
jours au Pentagone et au secrétaire général de l’OTAN, Jaap de Hoop Scheffer.
Ces propositions seront vraisemblablement discutées lors du sommet de l’OTAN à
Bucarest en avril prochain. « Le risque d’une prolifération [nucléaire]
accrue est imminent, et s’accompagne du danger qu’une guerre nucléaire, même
d’ampleur limitée, devienne possible », affirment les auteurs dans leur
livre blanc de 150 pages qui appelle à une réforme urgente des structures
militaires et de la stratégie occidentales. « L’emploi en premier des
armes nucléaires doit être conservé dans l’arsenal de l’escalade, comme
l’instrument ultime pour prévenir l’emploi d’armes de destructions
massives. »
Les auteurs sont le général John
Shalikashvili, ancien Chef d’Etat Major US et ex commandant en chef de l’OTAN
en Europe, le général Klaus Naumann, ancien chef des forces armées allemandes
et ex président du comité militaire de l’OTAN, le général Henk van den Breemen,
ancien Chef d’Etat Major hollandais, l’amiral Jacques Lanxade, ancien Chef
d’Etat Major en France, et Lord Inge, maréchal et ancien Chef d’Etat Major au
Royaume Uni.
Ils dépeignent un tableau alarmant
des menaces et des défis auxquels est confronté l’occident dans le monde après
le 11 septembre, et portent un verdict sévère sur ses capacités à y faire face.
Les cinq militaires affirment que
les valeurs de l’occident et son mode de vie sont menacés mais que l’ouest
peine à rallier les volontés pour sa défense. Les menaces majeures qu’ils
identifient sont :
Le fanatisme politique et le fondamentalisme religieux.
La « face sombre » de la mondialisation, c’est-à-dire le terrorisme
international, le crime organisé et la prolifération des armes de destruction
massive.
Le changement climatique, potentiellement responsable de migrations
« environnementales » de masses et la sécurité énergétique,
entraînant une lutte pour les ressources.
L’affaiblissement des Etats nations et des organisations internationales comme
l’ONU l’OTAN et l’Europe.
Pour garder l’avantage l’OTAN
devrait, selon eux, procéder à une révision de ses méthodes de prise de
décision, mettre en place un nouvel « organe de direction [2] »
rassemblant les dirigeants des USA, de l’Europe et de l’OTAN, capable de
répondre rapidement aux crises. Ils appellent également l’Europe à mettre fin à
son « obstruction » au sein de l’OTAN, et à sa rivalité avec
l’Alliance. Parmi les changements les plus radicaux proposés, ils
réclament :
La
substitution du vote majoritaire à la règle du consensus, pour la prise de
décision dans les instances de l’OTAN, ce qui permettrait d’agir plus
rapidement et mettrait un terme aux droit de veto des nations participantes.
L’abandon
du système des restrictions nationales à l’emploi des forces (caveats) dans les
opérations de l’OTAN comme c’est le cas en Afghanistan.
L’absence
de voix au chapitre dans les prises de décisions sur les opérations de l’OTAN
pour les membres de l’alliance qui ne participent pas à ces opérations.
L’usage
de la force sans autorisation du Conseil de Sécurité de l’ONU lorsqu’une
« action immédiate est nécessaire pour protéger un grand nombre de
vies. »
Venant après les dissensions qui se
sont fait jour quant aux résultats de l’action de l’OTAN en Afghanistan, et la
« sortie » du Secrétaire à la Défense US Robert Gates qui a déclaré
que certains alliés n’étaient pas à même de mener des opérations de contre
insurrection, les cinq hauts responsables estiment également que c’est le futur
de l’OTAN qui se joue dans la province du Helmand.
« La crédibilité de l’OTAN est
en jeu en Afghanistan, » déclare Van den Breemen.
« L’OTAN traverse une crise et
risque l’échec, » lit-on dans ce document.
Naumann s’est livré à une attaque en
règle sur l’action de son pays en Afghanistan. « Le temps est venu pour
l’Allemagne de décider si elle veut être un partenaire fiable. » En
insistant sur les « règles spéciales » qui limitent l’emploi des
forces allemandes en Afghanistan, le gouvernement Merkel contribue à la
« décomposition de l’OTAN. »
Ron Asmus, un ancien fonctionnaire
du Département d’Etat qui dirige le German Marshall Fund, un think tank basé à
Bruxelles, appelle ce manifeste un « appel au réveil. » « Ce
rapport signale que le cœur de l’institution nous avertit que avons un
problème, que l’occident est à la dérive et ne fait pas face aux défis. »
Naumann admet que la thèse de la
première frappe nucléaire a fait l’objet de « controverses » y
compris parmi les cinq signataires. Inge a affirmé que « nous lier les
mains sur l’usage ou le non usage de la première frappe prive d’une grande part
de la dissuasion. »
Durant la guerre froide, se réserver
le droit de déclencher la première attaque nucléaire jouait un rôle central
dans la stratégie de défense contre l’Union Soviétique. Mais cette conception
est critiquée par ceux qui affirment que cet instrument, utile lors du face à
face avec une puissance nucléaire, n’est plus de mise aujourd’hui.
Robert Cooper, dont l’influence sur
la politique étrangère et les questions de sécurité à Bruxelles est reconnue,
se déclare « perplexe. »
« Peut-être allons nous
utiliser les armes nucléaires avant quiconque, mais je serais réticent à l’idée
de le dire à voix haute. »
Un autre haut fonctionnaire de
l’Union estime que l’OTAN avait besoin de « repenser sa posture nucléaire,
car le modèle de la non-prolifération subit d’énormes pressions. »
Nauman suggère que la menace d’une
attaque nucléaire est inspirée par la désespérance. « La prolifération
s’étend et nous n’avons que peu d’options pour la stopper. Nous ne savons pas
comment réagir à cela. »
L’OTAN avait besoin de montrer
« qu’il y a un gros bâton que nous pourrions avoir à utiliser s’il n’y a
pas d’autre option, » juge-t-il.
Lire aussi :
Le
Monde : Réflexions militaires occidentales
sur l’usage préventif de l’arme nucléaire
De
Defensa : OTAN de nos alarmes
Paul
Craigs Robert Comment la « conscience
morale » pourrait-elle etre le privilege d’un Occident immoral ?
[1] Selon Le Monde, ce rapport est intitulé
« Vers une grande stratégie pour un monde incertain »
[2] directorate
Référence :
http://contreinfo.info/article.php3?id_article=1608